Toxicités cutanées et des muqueuses

Mucite

Il convient de distinguer deux situations :

- la mucite liée aux chimiothérapies

- la mucite liée à une radiothérapie ORL

Dans le premier cas, la sensation de douleur angineuse va se développer en même temps que la période de leucopénie, c’est à dire autour du 7e - 10e jour après la cure de chimiothérapie. Dans le second, elle apparaît en général au bout de la 3e semaine de traitement et va persister jusqu’à au moins une dizaine de jours après la fin de l’irradiation.

Les recommandations consistent en premier lieu en des mesures préventives : sensibilisation à une hygiène bucco dentaire rigoureuse, recours à une brosse à dents chirurgicales (ou avec un coton tige et un hydropulseur en cas de thrombopénie inférieure à 30 000 / mm3), bilan spécialisé avant la mise en traitement (extraction des dents à haut risque infectieux, des chicots ou des dents branlantes, détartrage, soins parodontaux, rajustements des prothèses...). Des bains de bouche aux bicarbonates 1.4 % sont recommandés pour limiter le risque de greffe fongique. Le bénéfice d’un traitement antifongique préventif n’est pas clairement établi. Le risque d’interaction médicamenteuse doit être considéré avec des molécules telles que le fluconazole.

En curatif, on adjoindra des antalgiques adaptés au niveau douloureux ressenti par le patient, en n’hésitant pas à recourir si besoin aux morphiniques. Il ne faut pas hésiter à traiter une mycose qui peut éventuellement être décapitée par l’abrasion muqueuse, en pensant à décontaminer les prothèses dentaires et à conseiller le changement de brosses à dents en fin de traitement. En cas de persistance,il faut savoir aussi évoquer une surinfection herpétique, dont la clinique peut elle aussi être décapitée. Attention en cas de mélange d’un anti fongique avec le bicarbonate (notamment l’amphotéricine B) : le mélange n’est pas stable plus de 24 heures, et doit donc être recomposé chaque jour.

Après radiothérapie, il faudra considérer la nécessité de confection de gouttières de fluoration sur mesure en cas d’hyposialorrhée séquellaire. Elles doivent permettre l’application quotidienne de gel fluoré à 2 % (type Fluocaryl bifluoré) pendant 5 à 10 minutes tous les jours avant de pratiquer un brossage - nettoyage des dents (pour éliminer le fluor). Dans notre expérience, il est préférable de réaliser les gouttières après l’irradiation : en effet, d’une part il va se produire des modifications des gencives après le traitement qui peuvent rendre les prothèses inadaptées. Les gouttières fluorées sont alors mises en place en préventif de cette dégradation. D’autre part, l’hyposialorrhée n’apparaît que vers la fin de l’irradiation. Soulignons que les techniques modernes de radiothérapie ORL permettent dans certains cas de préserver une qualité salivaire acceptable, épargnant le recours aux gouttières.

Syndrome mains pieds ou érythrodysesthésie palmo-plantaire

Il s’agit d’une toxicité relativement fréquente de certains cytotoxiques par action directe sur les kératinocytes. Elle se traduit par un érythème sec des extrémités, devenant douloureux en s’intensifiant, avec des crevasses pouvant grever la qualité de vie des patients.

Le traitement est avant tout préventif : conseiller au patient d’éviter les bains ou les douches d’eau chaude, l’exposition directe au soleil, le port de gants ou de chaussettes très serrés, les travaux manuels agressifs pour la peau (jardinage, bricolage, ménage avec produits ménagers agressifs...), les frottements vigoureux ou le port de bijoux serrés. Il convient également de déconseiller au patient l’automédication par des pansements adhésifs ou des bandages, de même que l'application d’anesthésiques locaux. L'application régulière d’un émollient gras ainsi qu’un lavage avec un savon surgras sont recommandés.

Aux premiers symptômes, une cryothérapie locale (bains des mains / pieds dans de l’eau fraîche, vessie de glace) peut être adjointe au traitement émollient. Les corticoïdes locaux n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Une vitaminothérapie B6 à la dose de 100 à 300 mg / j peut être conseillée, notamment en cas de syndrome mains / pieds lié à l’utilisation du 5FU ou de la doxorubicine liposomale pegylée.

Dans tous les cas, il s’agit d’une toxicité réversible à la diminution ou à l’arrêt du traitement en 2 à 3 semaines.

Epithélite radio induite

Cette réaction a largement contribué à faire une mauvaise réputation à la radiothérapie. Les réactions cutanées sont devenues bien moins fréquentes avec l’implantation d’accélérateurs linéaires de haute énergie remplaçant les sources de cobalt. Ces réactions restent possibles dans les irradiations superficielles, notamment mammaires, ORL ainsi qu’au niveau des plis inguinaux.

En prévention, l’application d’un corps gras tel que la pommade de Calendula par digestion est recommandée pour limiter l’intensité et la durée des manifestations. Il convient de ne pas appliquer de pommade dans les 3 heures précédant la séance d’irradiation, afin de pouvoir traiter une peau sèche (sans risque d’effet bolus). Il faut aussi conseiller d’éviter le port de vêtements synthétiques au contact direct avec la peau traitée, l’application de parfum ou déodorant alcoolisé. Pour les irradiations mammaires, on peut conseiller à la patiente d’éviter le port de sous-vêtement avec des bretelles risquant d'entraîner un cisaillement dans le sillon.

En curatif, à partir du moment où l’érythème prend une teinte cuivrée et/ou devient douloureux, il est conseillé de recourir à des pommades cicatrisantes (sulfadiazine argentique par exemple), voire à des pansements gel. On prendra garde à éviter la surinfection mycotique, surtout dans les zones de plis (sillon sous mammaire notamment).

Lors de l’application de ces produits, il faut sensibiliser le patient à prendre garde à ne pas effacer le marquage à la peau permettant le centrage des faisceaux d’irradiation (si des points de tatouage n’ont pas été faits).