Cancer & Sexualité : 3 questions à la sexologue Audrey Thisse

sexualité et cancer

Vous vous posez des questions sur le cancer et la sexualité ? La sexologue et infirmière Audrey Thisse, répond à nos questions.

Cancer & Sexualité : 3 questions à la sexologue Audrey Thisse Cancer & Sexualité : 3 questions à la sexologue Audrey Thisse 2020-09-25T10:47:19+02:00 2022-01-14T10:12:47+01:00 /sites/default/files/2020-09/enjoyment-1869206_1280.jpg

Osez en parler !

Questions à l'expert : cancer & sexualité

Audrey Thisse, infirmière de coordination (IDEC) au sein du Dispositif adolescents et jeunes adultes en cancérologie (DAJAC) et sexologue répond à nos questions

sexualité et cancer

Pendant et après les traitements du cancer, les troubles de la sexualité sont fréquents quels que soient le type de cancers, l’âge ou le sexe des patients. Au Centre Léon Bérard, une équipe pluridisciplinaire propose une prise en charge complète et des solutions. Pour en savoir plus, nous sommes allés à la rencontre d’Audrey Thisse, infirmière de coordination (IDEC) au sein du Dispositif adolescents et jeunes adultes en cancérologie (DAJAC) et sexologue.

 

Titulaire du diplôme interuniversitaire « Etudes de la sexualité humaine » de l’université Claude-Bernard Lyon 1 depuis septembre 2019, Audrey Thisse a commencé sa carrière au Centre Léon Bérard en service d’hématologie, pendant 7 ans, puis a passé 5 années dans l’unité de curiethérapie (RCB sud). « C’est dans ce service, régulièrement au contact des femmes traitées pour un cancer du col de l’utérus, que je me suis intéressée à la sexologie et ai souhaité passer un DIU », explique celle qui est IDEC au DAJAC depuis février 2019. « Cette expérience m’a montré que même s’il s’agissait d’un sujet encore tabou pour les médecins, les soignants et les patients, la sexualité doit être abordée lors de la prise en charge et si possible le plus précocement J’ai pu parler de la sexualité et de l’intimité avec de nombreuses patientes, âgées de 24 ans pour la plus jeune à 85 ans pour la plus âgée, et aucune ne m’a dit qu’elle ne voulait pas de mes conseils. » Audrey Thisse, qui assure des sessions de formations en interne auprès des soignants, a aussi plusieurs projets au CLB comme celui de développer des ateliers thérapeutiques et une consultation infirmière dédiée.

 

Comment le cancer impacte-t-il la sexualité des patients ?

Dès lors que l’on constate un impact sur la vie ou la santé d’une personne, un impact sur sa sexualité peut en découler. D’autant plus s’il s’agit d’une maladie chronique nécessitant des traitements lourds, parfois mutilants et pouvant durer plusieurs années, comme le cancer. L’impact est d’abord psychologique : il peut perturber la vie sexuelle du patient, l’image de son corps, son estime de soi... Pour les cancers de la sphère génito-pelvienne et les cancers colorectaux, l’impact peut également être fonctionnel.

Le cancer confronte aussi souvent inconsciemment à une mort potentielle et l’élan vital étant perturbé, le désir sexuel l’est tout autant.

Enfin, suite à certains traitements comme la radiothérapie pelvienne, certaines chimiothérapies ou l’hormonothérapie, l’apparition d’une insuffisance ovarienne secondaire chez la femme, peut entrainer chez nos patientes une sécheresse vaginale, atrophie vaginale, ou bien chez l’homme des troubles de l’érection ou des troubles de l’éjaculation entrainant des dysfonctionnements sexuels.

 

A quel moment de la maladie, peut-on parler de sexualité avec le patient ?

Les référentiels de l’Association francophone des soins oncologiques de support (AFSOS) préconisent d’en parler tout au long de la prise en charge, de la consultation d’annonce à l’après cancer. Cela renvoie à des tabous bien évidemment chez les soignants comme les patients, mais l’information donnée est souvent prise.

D’autant plus, si le patient l’évoque d’emblée, le soignant peut se saisir de cette opportunité et, s’il ne sait quoi répondre, l’orienter vers un professionnel qualifié : le Dr Philippe Toussaint oncosexologue, le Dr Christine Rousset-Jablonski gynécologue médicale ou l’une de ses assistantes, une psychologue-sexologue Angélique Laurent ou moi-même.

Nous savons aussi grâce aux différentes publications scientifiques que le patient en a encore plus besoin après les traitements, une fois que la page cancer est tournée. Le patient ayant été informé dès le début de sa prise en charge saura demander de l’aide auprès des personnes qualifiées et saura que cette demande est légitime.

Pour ma part, je l’évoque souvent dès la première rencontre. Ce n’est pas forcément toujours bien accueilli, le patient ayant besoin de temps pour assimiler son parcours de santé et l’impact sur les différents éléments de sa vie. Cette information est cependant nécessaire afin que le patient comprenne que l’impact sur sa vie intime pourra être amélioré.

Dans tous les cas, cela repose sur une relation de confiance à construire entre le patient et le médecin ou le soignant. Je ferai aussi un rappel important sur les mots que l’on utilise et qui ne sont pas forcément compris par tous : adapter son langage à la personne et ne pas hésiter à reformuler pour être sûr d’être compris.

 

Quels sont les moyens de prévention à conseiller ?

Le meilleur moyen de prévention est de parler de sexualité à tous nos patients, régulièrement, et si possible dès la première consultation.

 

Comment se déroule l’accompagnement ?

En sexologie, nous nous adaptons à chaque personne, il n’y a pas de normes, chaque prise en charge est individualisée. Nous allons prendre en compte la sexualité antérieure à la maladie et nous intéresser au fonctionnement de l’individu et de son couple ou de son fonctionnement individuel s’il est célibataire.

L’impact de la maladie et des traitements sur la vie intime est propre à chaque patient. Par exemple une de mes patientes n’a pas eu tant de problème avec le cancer et ses traitements, ce qui l’a le plus impactée a été sa pose de voie veineuse centrale (PAC). Ce qui a ébranlé sa sexualité est non pas le fait d’être asthénique, ou son alopécie, mais son incapacité à pouvoir porter la lingerie fine à laquelle elle et son conjoint étaient habitués.

 

Quels sont les signes qui doivent alerter ?

Dès que le patient est gêné dans sa sexualité, en couple ou célibataire. J’insiste beaucoup sur le fait d’avoir une sexualité, seul, même si le sujet est très tabou. Les troubles que l’on retrouve le plus sont les troubles du désir qu’on peut appeler trouble de la libido. En oncologie les causes sont multiples. Et tous les troubles sexuels peuvent être décrits : troubles de l’excitation, de l’orgasme, dyspareunie… chacun à sa prise en charge adaptée.

 

Pris précocement, ces troubles peuvent-ils être mieux pris en charge ?

Agir précocement limite l’impact de la maladie sur la sexualité.

Libérer la parole et donner un accès à l’information permet aussi au patient de se sentir reconnu comme être sexué, de réfléchir à la façon dont il souhaite être accompagné, par exemple : le soignant ouvre la porte et le patient à son rythme fera son chemin.

Nous pouvons dans un premier temps proposer des moyens très simples, tels des gels lubrifiants par exemple, facilitant la pénétration et améliorant la situation rapidement dans le cas de sécheresse vaginale. En sexologie comme en douleur, si l’on attend trop, on peut induire un cercle vicieux et engendrer des troubles plus sérieux. Revenons sur la sécheresse vaginale, mal traitée elle peut induire un vaginisme secondaire, qui est un dysfonctionnement sexuel plus complexe à traiter. En prenant le problème à la source, on évite les problèmes plus importants.

Cependant, tous les troubles sexuels ne se résolvent pas en une seule séance, cela peut être long. La prise en charge optimale nécessite souvent une équipe pluridisciplinaire : un oncologue, un psychologue, un kinésithérapeute, une infirmière…

Ces troubles sont réversibles dans la majeure partie des cas. Il y a un cheminement à faire, même dans les cas les plus sévères. On peut développer des zones érogènes à d’autres endroits.

 

Quels sont les aides et les traitements ?

Des traitements médicamenteux à la prise en charge psychologique en passant par les traitements « mécaniques », les traitements sont nombreux. Cependant, dans la grande majorité, ils nécessitent d’être accompagnés, réalisés et prescrits par un médecin spécialiste formé, urologue et médecin sexologue, gynécologues, psychiatres ou d’autres professionnels de santé : sages-femmes, psychologues, kinésithérapeutes, socio-esthéticienne (les soins de support ont toute leur importance) … Tous ces traitements nécessitent en outre une évaluation psychologique et sont réalisés sur de longues périodes.

 

En savoir plus : cancer du sein & sexualité

Le sein a une forte symbolique : il représente la féminité, la maternité et est un organe fortement sexualisé. Le cancer du sein a un impact à la fois sur l’estime de soi et l’image corporelle de nos patientes et peut de ce fait impacter fortement leur sexualité.

Tous les traitements, chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie et hormonothérapie, ont des effets secondaires physiologiques et psychologiques. Le sein chez la femme est en outre très important dans la sexualité et fait partie d’une zone érogène.

La chirurgie et la radiothérapie peuvent être mutilantes et auront forcément un impact sur la représentation qu’a la femme d’elle-même : une représentation négative de son corps et donc un impact sur sa sexualité.

 Les adolescents et jeunes adultes aussi

A l’Institut d’hématologie et d’oncologie pédiatrique (IHOPe) et au CLB, les équipes confrontées aux questions de sexualité des adolescents et jeunes adultes évoquent, bien souvent, des difficultés à traiter cette question.

Audrey Thisse rappelle que les rapports sexuels sont autorisés voire préconisés durant la prise en charge de la maladie. Ils doivent cependant être protégés s’ils interviennent dans les cinq jours qui suivent l’administration d’une chimiothérapie en intraveineuse (la chimiothérapie circule dans le sang et le produit est cytotoxique) et évidemment si le jeune n’a pas une relation exclusive. Pour rappel, certains préservatifs sont pris en charge par la sécurité sociale sur prescription du médecin traitant. Là encore il faut en parler !
 

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Dans certains cas bien spécifiques, et ce grâce à la mobilisation des équipes et après aval du CECOS, il a même été possible d’organiser des prélèvements de sperme au sein du CLB !

Enfin, un livret « Quelques questions autour de la sexualité », élaboré par les membres de la société savante GO-AJA dont l’IHOPe et le CLB font partie, est diffusé par les médecins et les soignants.

Jeunes, soignants et médecins,

pour toutes questions, nous vous conseillons de vous rapprocher d’Audrey Thisse.

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