Vous proposez un nouveau groupe de parole, pour les jeunes de 18 à 30 ans en rémission d’un cancer : de quoi s'agit-il?
Tanguy Leprince et Angélique Laurent, psychologues : Nous proposons depuis 8 ans maintenant un groupe de parole à destinations des jeunes patients (15/25 ans) en cours de traitement, en collaboration avec l'association "On est là !".
Ce groupe est co-animé par 1 des psychologues du DAJAC (Dispositif Adolescents et Jeunes Adultes atteints de Cancer) et deux anciens patients bénévoles. Il a lieu à l'hôpital (ou parfois en visioconférence) et est centré sur le vécu des patients vis à vis de la maladie, des soins, des traitements, etc.. Au fil du temps, il nous est apparu qu'un certain nombre de patients ayant terminé les traitements éprouvaient eux aussi le besoin de rencontrer d'autres jeunes ayant traversé l'épreuve du cancer.
Dans des proportions peut-être plus importantes que les patients en cours de traitement, qui sont parfois entravés dans la rencontre à l'autre par un certain nombre de freins (les contraintes physiques : fatigue et effets secondaires des traitements, isolement protecteur, mais également d'ordre psychologique : repli sur soi par exemple, ou une certaine difficulté à se confronter au regard et/ou au vécu de l'autre pendant les traitements, etc.)
L'idée de créer un groupe de parole centré sur cette période de transition de l'après cancer a donc émergé pour pouvoir répondre à un besoin et à une demande de certains patients qui n'étaient pas comblés par le groupe déjà existant.
Selon vous, pourquoi un groupe de parole entre anciens patients de moins de 30 ans du Centre Léon Bérard peut-il être une aide différente d’un accompagnement psychologique classique ?
Tanguy Leprince et Angélique Laurent, psychologues : L'approche groupale en psychothérapie est une forme de soutien différente et complémentaire de l'approche individuelle. Dans le contexte de l'accompagnement psychologique des patients atteints de cancer, elle est particulièrement intéressante, à plus d’un titre.
D'abord parce que la maladie cancéreuse, parmi tous les bouleversements qu'elle impose, est une épreuve de l’intime qui fait parfois vivre, à celui qui en fait l'expérience, un intense sentiment de solitude ou de décalage avec les autres non malades.
Ce vécu peut parfois perdurer voire s'accentuer dans la période de l'après cancer, lorsqu'il s'agit pour le patient de reprendre une certaine sociabilité, de retrouver une place dans ses différents cercles sociaux (travail, amis, famille, etc) dont il avait pu être mis plus à distance le temps des traitements. Il n’est pas simple pour le patient de retrouver la place qui était la sienne, quand son rapport à soi, au monde et aux autres ont nécessairement changé en profondeur du fait de la maladie !
Et puis, comment parler ou ne pas parler de ce que l’on a vécu ? Comment les autres vont-ils le recevoir ? Comment supporter leurs plaintes perçues parfois comme un peu futiles ou dérisoires, au regard de ce que le patient a traversé.
Ce sont autant de questions parmi d’autres qui peuvent entraver parfois les interactions avec les autres non malades. Dans un groupe de pairs, à contrario, le fait d’avoir vécu une expérience au moins partiellement commune à celle des autres, facilite généralement les échanges. Les patients nous le disent : « Ici au moins je sais que l’on me comprendra sans que j’aie besoin d’expliquer », « je n’ai rien à cacher, je n’ai pas à faire semblant ». Cette communauté de destin, cette plus grande simplicité de communication peuvent permettre aux patients de retrouver un sentiment d’appartenance à un groupe - ce qui est un besoin fondamental pour l’être humain ! - mais aussi un certain plaisir, davantage de sérénité et de confiance dans ses interactions avec les autres.
Enfin parce que, nous l’avons dit, le moment de la fin des traitements est, comme toute période de transition, nécessairement une période de bouleversements et de perte de repères importants, il nous semble particulièrement important de pouvoir bénéficier à ce moment-là d’un partage d’expérience.
Échanger autour de ces bouleversements, des aspects positifs comme des aspects plus délicats peut permettre aux patients de les inscrire dans le processus normal de la guérison, de les légitimer mais aussi de trouver des conseils, des astuces pour y faire face, ainsi qu’un soutien émotionnel.
Après un traitement, entre 18 et 30 ans, quelles problématiques peuvent toucher les jeunes qui ont eu un cancer ?
Tanguy Leprince et Angélique Laurent, psychologues : Au-delà des aspects positifs (et ils sont nombreux) liés à la fin des traitements, il est désormais reconnu que la période de transition dans l’après-cancer est un moment potentiellement difficile pour les patients. Il s’agit pour eux de se remettre physiquement et psychologiquement de l’épreuve endurée tout en reprenant le cours de leur existence et tout cela peut prendre du temps, alors que les patients vivent généralement à ce moment-là un sentiment bien légitime d’impatience et/ou d’urgence à tourner la page, revivre comme avant, ou rattraper le temps perdu. Cela peut être décevant et frustrant !
En parallèle, il s’agit de « faire le deuil » des bénéfices secondaires qui pouvaient exister le temps des traitements : les bons soins et la sollicitude de l’entourage ou des soignants, par exemple. Certains patients décrivent alors un vécu d’abandon pendant cette période, du fait de l’espacement des rendez-vous médicaux et des venues à l’hôpital. De même parfois, certaines préoccupations ou questionnements existentiels avaient pu être mis de côté, avec un certain soulagement, le temps des traitements : il y avait alors d’autres priorités à gérer !
Après les traitements, ces préoccupations se réactualisent, alors que peut perdurer un sentiment de vulnérabilité du fait de la maladie. On le voit, ces problématiques sont donc multiples et peuvent toucher tous les champs qui ont été impacté par la maladie cancéreuse et les traitements. Il peut s’agir de la question du retour aux études ou à l'emploi, des bouleversements relationnels comme nous l’avons évoqué, mais aussi du rapport à soi : le handicap et les séquelles de la maladie, comment vivre et faire des projets avec le risque d'une récidive, d'un second cancer, la sexualité, la fertilité etc,..
Faut-il avoir besoin de se confier pour venir à un groupe de parole ?
Tanguy Leprince et Angélique Laurent, psychologues : Chacun est invité à prendre la parole mais la parole est libre et chacun contribue aux discussions de la façon dont il le souhaite et le ressent. Effectivement, l’idée de parler de choses personnelles et intimes avec des inconnus (au moins au début) peut parfois faire peur ou être un peu intimidante…
Mais dans un groupe de parole, il y a un certain nombre de règles qui permettent de garantir une atmosphère propice aux échanges : confidentialité (ce qui se dit dans le groupe reste dans le groupe), bienveillance, non-jugement et écoute de l’autre doivent permettre à chacun de se sentir en confiance pour participer à son rythme et sa mesure.
Concrètement, comment fonctionne ce groupe de parole ?
Tanguy Leprince et Angélique Laurent, psychologues : Le groupe aura lieu par cycles de 5 séances, au rythme d’une séance par mois, le mercredi de 18h30 à 20h, dans les locaux de la maison des bonnes fées (non loin du centre Léon Bérard). Ce sera un groupe fermé, c’est-à-dire sur inscription. Les participants s’engagent à une certaine assiduité en participant aux cinq séances d’un cycle.
Démarrage le 13 septembre 2023, n'attendez pas pour vous inscrire !
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