Le benzo[a]pyrène (BaP) est un perturbateur endocrinien formé lors de la combustion incomplète de matières organiques (combustion mal maitrisée du bois, brûlage de végétaux à l'air libre, gaz d'échappement automobiles ou fumée de cigarette par exemple).
Les études épidémiologiques de l'effet de l’exposition à long terme au BaP atmosphérique sur le cancer du sein sont limitées.
Dans ce projet, l'équipe de recherche a évalué les associations entre l'exposition au BaP atmosphérique et le risque de cancer du sein dans l’ensemble de la population, en fonction du statut ménopausique des femmes et des sous-types moléculaires (basés sur les récepteur aux œstrogènes négatif/positif (ER-/ER+) et à la progestérone négatif/positif (PR-/PR+)), du stade et du degré de différenciation du cancer du sein, dans une étude cas-témoin nichée dans la cohorte française E3N (5222 cas d'incidents de cancer du sein et de 5222 témoins appariés).
L’exposition annuelle au BaP a été estimée à l'aide d'un modèle de chimie-transport (CHIMERE) et a été attribuée aux adresses résidentielles des participants pour chaque année de la période de suivi (1990-2011) et pour chaque femme.
N.D.L.R : Pour mieux comprendre la méthode utilisée dans cette étude, retrouvez le témoignage de notre experte plus bas.
Dans l’ensemble, l'exposition cumulée au BaP a été associée de manière significative à une augmentation du risque de cancer du sein. Ce risque varie selon le statut ménopausique, le statut des récepteurs hormonaux et le degré de différenciation du cancer du sein.
Par exemple, chez les femmes ayant subi une transition ménopausique (c'est-à-dire les femmes pré ménopausées lors de l'inclusion dans la cohorte qui étaient post ménopausées au moment du diagnostic du cancer du sein), l’exposition au BaP augmente le risque de cancer du sein de 20% (odds ratio = 1,20 (intervalle de confiance à 95 % : 1,03-1,40)).
Leurs résultats ajoutent alors des preuves épidémiologiques supplémentaires aux études expérimentales précédentes suggérant les effets néfastes du BaP sur la santé.
Le point de vue de l'expert : Amina Amadou, première autrice de cette étude sur l'impact de la pollution atmosphérique sur les cancers du sein
Nous sommes allés à la rencontre d'Amina Amadou, première autrice de l'article et chercheuse au sein du département Prévention Cancer et Environnement du Centre Léon Bérard, pour nous expliquer cette étude.
Il s'agit d'une étude de très grande envergure : pouvez-vous nous expliquer comment elle a été possible ?
Amina Amadou : Cette étude a été rendue possible grâce aux données de la cohorte nationale française E3N, Etude Epidémiologique auprès de femmes de la Mutuelle Générale de l'Education Nationale. Il s’agit d’une cohorte d’environ 100 000 femmes nées entre 1925 et 1950 et suivies depuis 1990. Tous les 2 à 3 ans, elles remplissent et renvoient des questionnaires papier.
Elles sont interrogées sur leur mode de vie (alimentation, activité physique, sédentarité, tabac, alcool, prise de médicaments, de traitements hormonaux, etc.), leur environnement, leurs histoire résidentielle (lieux de vie et de travail), et sur l'évolution de leur état de santé physique et mental.
Dans le cadre de notre étude, nous avons sélectionné les femmes de la cohorte qui avaient été diagnostiquées d’un cancer du sein entre 1990 et 2011, soit environ 5200 cas.
Nous leurs avons attribué un « témoin », c’est à dire un sujet de la cohorte sain, indemne de cancer du sein, similaire aux cas par l’âge, le département de résidence et le statut ménopausique à l’inclusion dans la cohorte. Nous avons donc travaillé sur un effectif total d’environ 10 400 femmes de la cohorte (5200 cas et 5200 témoins). Nous avons ensuite reconstitué les expositions atmosphériques au BaP à leurs adresses résidentielles de 1990 à 2011 en utilisant des données issues d’une modèle développé par l’INERIS. Enfin, nous avons comparé les niveaux d’exposition des cas et des témoins.
Après ajustement sur les facteurs de risque individuels de cancer du sein, il est apparu que l’exposition des cas était significativement supérieure à celle des témoins.
En quoi cette étude va impacter la prévention pour les femmes dans le cadre d'un cancer du sein ?
Amina Amadou : Les résultats obtenus dans la littérature scientifique mondiale concernant le lien entre la pollution de l’air et le risque de développer un cancer du sein sont encore contradictoires. Actuellement le Centre international de lutte contre le cancer (CIRC), considère que seul le cancer du poumon peut être directement lié à la pollution de l’air (avec également des suspicions pour le cancer de la vessie).
Notre étude suggère que l’exposition atmosphérique au BaP est un facteur de risque de cancer du sein, en particulier les cancers du sein hormono-dépendants (c’est-à-dire ceux qui expriment des récepteurs aux estrogènes et à la progestérone). De manière générale, elle renforce un corpus de preuves indiquant que la pollution de l’air peut être un facteur de risque pour le cancer du sein chez la femme. Cette étude a également montré que les femmes ayant été exposées pendant leur transition ménopausique ont un risque augmenté de cancer du sein.
Quels espoirs peut-on retirer des résultats de cette étude ?
Amina Amadou : La prise de conscience de l’impact de la pollution de l’air sur la santé est grandissante. Si les effets sur la santé de manière générale sont bien connus (diminution de l’espérance de vie, augmentation de la mortalité), les liens avec les différents cancers, en particulier le cancer du sein ne sont pas établis.
Les résultats de cette étude donnent des arguments pour limiter les émissions de polluants atmosphériques notamment les polluants ayant des effets de perturbateurs endocriniens (pouvant impacter l’équilibre hormonal des femmes).
Notre étude est la première étude épidémiologique sur le sujet. Les résultats demandent donc à être confirmés par d’autres études de grande envergure.
Une étude épidémiologique de grande envergure
Cette étude permet de mieux comprendre l'impact de la pollution de l'air sur le risque de développer un cancer du sein
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Cancer du sein
Prise en charge du cancer du sein