Après-cancer : tout savoir sur l'étude PASCA avec l'interview de Romain Buono

PASCA

La question de l'après-cancer et des séquelles qui peuvent en découler est un sujet d'étude pour lequel beaucoup de questions subsistent. Alors que les taux de survie ont globalement progressé ces dernières années, comment mieux prendre en charge les anciens patients, qui peuvent avoir aujourd'hui des complications altérant leur qualité de vie ? On fait le point avec Romain Buono, chef de projet de l'étude PASCA.

Après-cancer : tout savoir sur l'étude PASCA avec l'interview de Romain Buono Après-cancer : tout savoir sur l'étude PASCA avec l'interview de Romain Buono 2022-05-05T14:41:47+02:00 2022-05-23T16:56:15+02:00 /sites/default/files/2022-05/romain-buono-pasca.jpg

Bonjour Romain Buono, vous êtes chargé de projet sur l'étude clinique PASCA, pouvez-vous nous en dire plus ?

Le projet PASCA est un projet de recherche clinique qui s’intéresse à la période qui suit la fin des traitements conventionnels (chimiothérapie, chirurgie, radiothérapie) et qui a pour objectif de quantifier, pendant 5 ans après les traitements, la survenue de complications chez les patients adultes

Elle est également interventionnelle, c’est-à-dire que tous les patients vont bénéficier d’orientations auprès de professionnels de santé dès qu’une complication est repérée.

L'étude a démarré en janvier 2021et a donc la particularité de suivre les patients pendant une durée assez longue de 5 ans.

Concrètement, cela veut dire que le patient est invité à des consultations spécifiques, en parallèle avec ses consultations de suivi classique. 4 bilans sont alors programmés : un bilan 1 mois après la fin des traitements, puis 6 mois après, 2 ans puis 5 ans après la fin des traitements.

Chaque bilan est identique et constitué d'examens cliniques, de tests physiques, d'examens pulmonaires, de prises de sang et également de plusieurs questionnaire à remplir.

 

Après chaque bilan, les attachés de recherche clinique de l’étude saisissent les résultats dans une base de données. Un programme informatique construit avec l’aide des médecins du CLB va analyser ces résultats puis fournir une synthèse en proposant des orientations auprès de professionnels de santé comme des spécialistes, des professionnels issus du paramédical (psychologues, diététiciens) ou le médecin traitant, lorsqu’une complication est repérée, en fonction de la gravité.

Le patient est systématiquement rappelé après chaque bilan pour lui expliquer point par point chaque résultat, il est rassuré et on l’aide dans la prise de RDV auprès des professionnels de santé.

A noter que cette étude ne concerne que certaines pathologies : cancer du sein non métastatique, les cancers du testicule traité par chimiothérapie, l’ostéosarcome, le sarcome d’Ewing et le sarcome des tissus mous, la leucémie aigüe myéloïde, le lymphome hodgkinien et non hodgkinien.

Concrètement, qu’est ce que l’étude d'après-cancer PASCA surveille-t-elle plus précisément ?

22 complications sont surveillées et peuvent être classées en 3 grandes familles :

  • les complications en lien avec des organes, comme par exemple des complications cardiaques, qui peuvent arriver à plus ou moins long terme ou des problèmes de la thyroïde
  • les troubles psychosociaux, avec par exemple des troubles anxieux sévères qui peuvent perdurer bien longtemps après la fin des traitements ou des problèmes en lien avec le retour au travail
  • la troisième autre famille est-elle en lien avec des problématiques de surpoids, d’obésité mais également des déconditionnement physiques, c’est-à-dire un manque d’activité physique

Parfois, on peut ainsi se rendre compte qu’une hypertension artérielle qui est apparut à la fin du traitement et qui n’a pas été prise en charge et on va orienter le patient et initier une prise en charge auprès du professionnel de santé le plus adapté.

On fait également un vrai travail d’information auprès des professionnels de santé extérieurs au CLB pour leur expliquer l’intérêt d’une prise en charge médical et d’un suivi même si le patient ne présente pas forcément de situation clinique grave, certains signaux d’alarmes ne doivent pas être négligés au risque de voir apparaître des séquelles à plus long terme.

Quelles sont les spécificités de cette étude sur l’après-cancer par rapport à d’autres ?

Nous évaluons, à la suite de chaque bilan, la fréquence d’apparition des complications.

C’est la première fois qu’une étude portant sur des données de vie réelles s'intéresse à autant de complications.

Souvent, après les traitements contre un cancer, le sujet des complications est peu ou pas abordé avec les patients.

Notre projet est donc de repérer précocement les complications pour mieux accompagner les patients, mais également que ce programme devienne une pratique courante à côté de la consultation classique, pour aider à l’orientation de chaque patient en fonction de leurs besoins.

Aujourd’hui, 300 patients ont été inclus dans l’étude et nous restons ouverts aux inclusions jusqu’en janvier 2023 et l’étude se déroulera donc jusqu’en 2028, nous visons environ 600 patients.

Comprendre l'après-cancer pour mieux le prendre en charge

"Dans les prochaines années, il va y avoir une augmentation très forte des personnes survivantes d’un cancer grâce aux progrès thérapeutiques et au vieillissement de la population. Cela signifie que mécaniquement, il va y avoir plus de complications à gérer : ce sujet est donc central."

apres-cancer

Aujourd’hui en 2022, qu’est-ce que l’on sait, qu’est-ce que l’on a comme informations sur l’après-cancer ?

 

On connaît assez bien le profil de toxicités des anticancéreux, mais on dispose de peu de données sur le délai et la fréquence de survenue des complications, en dehors des patients participants à un essai clinique. Nous manquons donc encore d'informations.

Il faut tout de même citer la grande étude descriptive récente promue par l’INCA : l’étude VICAN5, qui montraient à 5 ans du diagnostic que 63,5% des patients souffraient de séquelles liées à leur cancer ou aux traitements.

Cela démontre que nous avons des axes d’améliorations importants car 5 ans après, les séquelles devraient être moins fréquentes.

Nous cherchons maintenant à en savoir plus, sur une plus large population, pour prendre les mesures adéquates.

Quelques informations clés sur l'étude PASCA

L’équipe de recherche PASCA comprend un chef de projet, deux attachés de recherche clinique qui organisent la logistique pour les bilans et analysent les données, une assistante médicale en charge d’informer les patients mais également de les orienter vers les bons professionnels de santé, un enseignant en activité physique adapté qui intervient pour les bilans évaluant la condition physique
Le Pr Mauricette Michallet est, elle investigatrice principale de l’étude.

600 patients environ seront inclus dans cette étude, qui durera jusqu'en janvier 2028.

Peut-on dire que l’après-cancer est un sujet peu pris en compte par les études cliniques et qui intéresse moins ?

Beaucoup de bourses de recherche existent pour financer les études sur les méthodes de diagnostic, les nouveaux traitements, mais jusqu’à présent il y avait peu de moyens mis sur la prévention tertiaire.

Les tutelles et les différents Plans Cancer ont permis de faire évoluer cela, avec une envie nationale et commune d’axer certains des moyens destinés à la recherche vers ces sujets de l’après-cancer, avec aujourd’hui de nombreuses bourses allouent des fonds à cette thématique.

Comme beaucoup de thématiques, c’est grâce aux patients que les choses ont pu évoluer mais il a fallu attendre les années 90 pour entendre leurs témoignages dans les congrès dédiés à la cancérologie. Ce sont eux qui ont alors pris la parole sur la qualité de vie et les séquelles après-cancer et c’est ce qui a permis aux professionnels de santé de découvrir cette problématique et de faire avancer les choses.

 

Aujourd’hui, les professionnels soignants, médicaux et de la recherche en cancérologie, sont de plus en plus sensibles aux complications qui peuvent survenir après un cancer, mais malheureusement elles sont parfois complexes à prendre en charge, et les ressources médicales se font parfois rares avec des zones géographiques disposant de peu de médecins.

La prise en charge nécessite souvent pour les professionnels d’avoir une double spécialité comme l’onco-cardiologie ou l’onco-néphrologie (reins).

Cette interdisciplinarité est vraiment importante mais n’est encore qu’à ses débuts.

Quels sont vos espoirs, vos attentes sur votre étude dédiée à l’après-cancer ?

Notre étude va permettre de baliser, sur cinq ans, la fréquence et le délai d'apparition des complications de l’après-cancer.

Quand on prend en charge un patient atteint de cancer, ce qui importe en premier à l’équipe médicale et soignante c’est la question de sa survie.

Ce que nous voulons, c’est qu’après ses traitements, il puisse ensuite bénéficier du meilleur suivi possible pour prévenir toute complication qui pourrait avoir un impact sur sa vie et sa qualité de vie.

 

Notre étude va permettre de construire les programmes cliniques de demain axés sur le repérage des complications.

En parallèle de l’étude, nous développons de véritables guides de prise en charge, regroupant les dernières recommandations nationales ainsi que des arbres décisionnels, pour aider les professionnels de santé à repérer et à orienter les patients.

 

Même si des complications ou des séquelles ne sont pas systématiques, surveiller les patients et faire de la prévention après leur cancer reste la meilleure intervention pour éviter la survenue de séquelles et améliorer la qualité de vie des patients.

  • En savoir plus sur le suivi après-cancer

    Découvrez le suivi proposé aux patients après un cancer

    Suivi et après-cancer