En tant qu’établissement de référence internationale, le Centre Léon Bérard accueille des patients de tous horizons, venus de Guyane, de l’étranger ou des patients de notre région ayant des cultures, religions et origines sociales différentes. Environ 4 000 des patients accueillis chaque année au Centre Léon Bérard ne parlent pas ou ne comprennent pas la langue française. Ces différences peuvent parfois induire une certaine incompréhension avec les acteurs de soins.
Comment y remédier ?
Genèse du projet
Depuis 2017, sous l’impulsion de la direction générale et de Christelle Galvez, directrice des soins et des parcours, le CLB a lancé une réflexion sur l’accompagnement de ces patients, familles et proches dont la culture, la langue ou les origines traduisent des perceptions et interprétations différentes du soin. « Nous avions un double objectif, raconte Christelle Galvez, d’une part nous souhaitions former nos salariés à la médiation culturelle et, d’autre part, répondre à la question : comment mieux prendre en compte les pratiques culturelles, religieuses et sociales très spécifiques afin de désamorcer des situations complexes tout en faisant adhérer le patient à la prise en charge fondée sur le respect des principes de laïcité et de sécurité ? »
Le saviez-vous ?
L’interculturalité est une notion qui permet de prendre conscience des différentes pratiques culturelles, religieuses et sociétales dans la prise en charge de chaque patient.
Des situations parfois conflictuelles qui peuvent être évitées
Le projet est né de situations difficiles voire conflictuelles rencontrées dans les services. Les pratiques culturelles ou des coutumes très spécifiques sont sources d’incompréhensions, de frustrations et de malentendus entre soignant, soigné et entourage, notamment autour de la fin de vie ou du décès. Celles-ci peuvent parfois aller jusqu’à altérer la prise en charge et l’adhésion thérapeutique du patient.
La barrière de la langue est la situation qui revient le plus fréquemment. Parce que le patient n’a pas ou mal compris le médecin lors de sa consultation d’annonce, de suivi ou de changement de traitement, les soignants se retrouvent régulièrement dans des situations complexes.
Témoignage de Catherine Moret, pilote du projet
« Un patient peut vite se renfermer ou devenir agressif s’il ne comprend pas ce qui lui arrive et qu’il n’est pas acteur de sa prise en charge. En faisant appel à un interprète ou un traducteur, le soignant et le patient se comprennent mieux et la situation s’améliore. Une liste des salariés parlant une langue étrangère ou la langue des signes a alors été créée dans notre établissement"
Les soignants du Centre Léon Bérard peuvent également être amenés à utiliser des bandes dessinées ou des imagiers, notamment sur des thèmes précis comme l’addiction à l’alcool, au tabac ou aux drogues. L’utilisation de support numérique de traduction est intéressant et complémentaire des supports imagés. Cependant, cet outil a ses limites car la traduction littérale n’est pas toujours adaptée au langage médical.
Dans le cadre d’un partenariat de longue date avec la Guyane, le CLB accueille de nombreux patients francophones ou non de ce département et région d'outre-mer. Pour les aider à préparer leur voyage en France, un livret d’accueil (en français également traduit en portugais) leur est remis avant leur départ. Il contient des informations pratiques sur les documents administratifs à apporter, le climat, les vêtements à prévoir… ainsi que des photos de l’équipe soignante du CLB qui les accueillera.
Plus de 80 professionnels formés : les ambassadeurs
Loin du jugement et des a priori de chacun, le CLB a souhaité professionnaliser la démarche d’interculturalité au sein de ses équipes. Chaque mois, un comité de pilotage pluridisciplinaire composé d’infirmiers, aides-soignants, assistant social, référent qualité, spécialiste des soins palliatifs se réunit pour répondre aux problématiques rencontrées et construire un plan d’actions en lien avec le terrain et des intervenants extérieurs.
Dans chaque service de l’hôpital, des ambassadeurs se sont portés volontaires afin de diffuser cette notion et faire le lien entre le comité de pilotage, leurs collègues et les patients. En trois ans, quatre-vingt-trois professionnels (infirmiers, médecins, brancardiers, secrétaires médicales, personnels des accueils représentant tous les services de l’hôpital), sont devenus ambassadeurs. Tous motivés par cette prise en charge spécifique, ils ont suivi une formation à l’interculturalité. Les ambassadeurs sont des personnes ressources auprès des autres salariés. Ils sont au courant des outils disponibles en matière d’interculturalité et font remonter les difficultés ou situations complexes du terrain.
De plus, le comité de pilotage organise six réunions retours d’expériences (REX) par an. Chaque année, ce sont 20 situations symboliques rencontrées par les équipes qui sont discutées, analysées et pour lesquelles des solutions sont trouvées. Les REX permettent de faire le lien entre toutes les situations et d’harmoniser les pratiques dans tous les services du Centre.
- Chiffres clés
Un bilan très positif et un projet qui se développe toujours
Cinq ans après son lancement, la dynamique institutionnelle autour de l’interculturalité est portée avec enthousiasme par les professionnels du CLB. Chaque année, une journée de formation est organisée en présence de tous les ambassadeurs avec un temps fort. En 2021, tous les représentants des aumôneries ont été conviés. L’occasion de rappeler que les soins sont prioritaires sur les préceptes à respecter dans les différentes religions. Les représentants ont également donné des conseils aux ambassadeurs sur le vocabulaire à privilégier avec les patients, des gestes… L’objectif de cette formation est aussi de tisser des liens entre tous les ambassadeurs afin de faire perdurer cette dynamique au sein de l’établissement.
Témoignage de Laurie, infirmière en pédiatrie et ambassadrice interculturalité
"Je suis ambassadrice interculturalité au sein du Centre Léon Bérard depuis 1 an, je travaille sur le secteur pédiatrique. J'ai choisi de porter cette casquette au sein de mon équipe pour améliorer l'accompagnement des enfants et de leurs parents lors de situation de soins complexe. Cela peut concerner la barrière de la langue, mais aussi les rites, la vision de la parentalité… A travers ce rôle, grâce aux formations et aux réunions, je souhaite être une personne ressource pour mes collègues lorsqu'ils se posent des questions dans ce domaine, notamment lors des étapes de soins importantes (diagnostic, traitement, fin de vie, etc..). Enfin, selon moi, l'interculturalité ne se résume pas aux situations vécues avec des personnes issues de pays étranger. Etre ambassadeur interculturalité c'est aussi s'ouvrir à l'autre dans sa singularité, dans sa différence de point de vue, de vision du soin, de sa spiritualité, quel que soit son pays d'origine."
Aujourd’hui, le comité de pilotage œuvre pour diffuser cette notion de « prise en charge et interculturalité » auprès de nouveaux professionnels de santé du CLB. La réflexion s’élargit aussi pour améliorer la communication avec les personnes porteuses de handicap : surdité, trachéotomie ou troubles cognitifs par exemple.