Les sarcomes sont des types de cancers qui se développent à partir des tissus « conjonctifs », qui font la liaison entre les autres tissus du corps humain. Ils regroupent environ 150 maladies différentes, toutes rares. 3 400 nouveaux cas de sarcomes sont diagnostiqués chaque année, soit 2 % des cancers de l’adulte, et plus de 10 % des cancers de l’enfant, de l’adolescent ou du jeune adulte.
Le Centre Léon Bérard est un centre de référence national concernant les sarcomes, et son expertise est reconnue à l’international. Il est labellisé centre expert par l’INCa, l’Institut national du cancer, à la fois pour la prise en charge clinique et pour le diagnostic anatomopathologique et moléculaire des sarcomes.
Sur le site du Centre Léon Bérard, Franck Tirode dirige l’équipe de recherche « Génétique, épigénétique et biologie des sarcomes » du CRCL (Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon), composée d’une dizaine de personnes. Nous l’avons rencontré.
CLB : « Pouvez-vous nous présenter les travaux de votre équipe ? »
Franck Tirode : « Notre équipe a deux missions distinctes : une mission de recherche fondamentale, qui consiste à étudier les spécificités de certains sous-types de sarcomes, et une mission de recherche translationnelle, en lien avec le département d’anatomopathologie du Centre Léon Bérard, axée sur le diagnostic moléculaire des sarcomes.
En effet, on distingue 75 sous types de sarcomes différents, qui sont divisés en plus de 150 sous-types moléculaires. Certain restent encore inconnus et inclassés, et les patients peuvent alors ne pas être pris en charge correctement. En collaboration avec le service d’anatomopathologie et l’unité de pathologie moléculaire du Centre Léon Bérard, nous nous attachons à caractériser ces sarcomes, pour proposer un diagnostic moléculaire précis. Nous sommes l’un des seuls centres en France à pratiquer des analyses moléculaires profondes sur les sarcomes. Notre taux de succès est élevé, grâce aux compétences spécifiques des équipes impliquées. Nous étudions des échantillons de tumeurs, et dès que l’on tombe sur un échantillon de sarcome similaire à un autre, nous allons pouvoir commencer à les analyser et à repérer les ressemblances. Ensuite, nous pourrons les catégoriser et les pathologistes pourront alors établir un diagnostic pour les patients concernés. »
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CLB : « Quel est l’intérêt de cette classification des sarcomes ? »
Franck Tirode : « Le fait de mettre un nom sur un sarcome est important car cela veut dire que nous avons identifié les altérations communes et que nous pouvons commencer à les étudier. Le deuxième intérêt de nos recherches est plus humain. En effet, un patient va mieux vivre sa maladie en sachant qu’elle porte un nom. Cela rend la maladie moins rare, et va jouer sur l’état psychologique du patient. »
CLB : « Et concernant la partie recherche fondamentale, pouvez-vous nous expliquer sur quoi portent vos recherches en laboratoires ? »
Franck Tirode : « La deuxième activité de l’équipe consiste à effectuer des travaux de recherche fondamentale sur certains sous-types de sarcomes. En effet, il y a tellement de sous-types différents que nos équipes ont concentré leurs efforts sur trois de ces groupes : les sarcomes à fusion CIC, les sarcomes de l’endomètre de haut grade et les chondrosarcomes mésenchymateux. Ils ont été sélectionnés car il s’agit de types de sarcomes plutôt rares, agressifs, sur lesquels peu de recherches ont encore été effectuées et parce qu’ils ont une caractéristique commune : ils possèdent une protéine « de fusion » (le résultat d’un échange chromosomique entre 2 gènes) particulière. Nous étudions comment fonctionnent ces protéines dites « aberrantes », car elles vont fabriquer des ARN et des protéines qui ne sont pas présentes normalement dans la cellule et en réprimer d’autres qui devraient être produites. Ces dérégulations, qui se jouent au niveau de l’ADN, vont causer un cancer. L’objectif de nos recherches est de comprendre ces mécanismes biologiques impliqués dans la formation des sarcomes et de trouver des clés pour les bloquer et mieux soigner ces maladies. »
CLB : « Quels sont les avantages à mener vos recherches sur place, au Centre Léon Bérard ? »
Franck Tirode : « Le fait que notre équipe soit basée sur le site du Centre Léon Bérard est très bénéfique pour nos recherches, car en tant que Centre expert dans le domaine des sarcomes, nous pouvons accéder à des échantillons de ces tumeurs rares plus facilement et de manière plus importante. Grâce à sa visibilité sur le plan national, le Centre peut avoir accès à des échantillons venant d’un peu partout en France et constituer des cohortes que peu d’autres laboratoires peuvent constituer. »
CLB : « Concrètement quelles sont les découvertes de votre équipe suite à leurs travaux ? »
Franck Tirode : « La Recherche fondamentale avance lentement, car nous sommes heurtés à de nombreuses difficultés. La principale est intrinsèque à ces tumeurs rares : il est difficile d’accéder à, ou d’établir, des modèles tumoraux (lignées cellulaires dérivées des tumeurs de patients) dans lesquels nous pouvons étudier les protéines aberrantes. Aussi, les besoins en matériel et en personnel pour établir de tels modèles sont immenses.
À l’inverse, du côté diagnostic moléculaire, nous publions très régulièrement de nouvelles définitions de sarcomes, des nouveaux sous-types de tumeurs. En effet, aujourd’hui, et grâce à l’intérêt qu’y portent les pathologistes du centre Léon Bérard, nos recherches ne sont plus focalisées uniquement sur les sarcomes, mais bénéficient aussi à d’autres pathologies comme les tumeurs mélaniques, les carcinomes, les tumeurs hématologiques… Nous avons pu effectuer le profilage (étape précédant la classification) de plus de 6 500 échantillons de tumeurs et identifier des caractéristiques spécifiques pour 80 % d’entre eux, permettant alors leur classification définitive par les pathologistes. Il reste encore des années de travail pour arriver à classifier les 20 % restants, car il s’agit des sous-types les plus rares, mais nos chercheurs sont mobilisés au quotidien pour y parvenir. »
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