La transcriptomique spatiale : un projet financé grâce aux dons

Cyril

Zoom sur la transcriptomique spatiale avec Cyril Degletagne, ingénieur de recherche. Ce projet a pu être financé grâce à la générosité de nos nombreux donateurs.

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Si ce nom peut faire peur de par sa complexité, la transcriptomique spatiale est pourtant un sujet phare dans le monde de la cancérologie.

Cyril Degletagne nous explique que "la transcriptomique spatiale vise à comprendre où se situent les cellules, ce qu'elles font, quels gènes sont exprimés en leur sein, et comment elles interagissent entre elles."

Pourriez-vous vous présenter et nous en dire plus sur votre rôle au Centre Léon Bérard ?

 

Je suis Cyril Degletagne, ingénieur de recherche au sein du CRCL (Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon), situé sur le site du Centre Léon Bérard. Mon rôle en tant qu'ingénieur de recherche consiste à accompagner les chercheurs. Contrairement à la gestion de projets de recherche spécifiques ou à l'étude de mécanismes spécifiques, notre attention se porte davantage sur des aspects techniques.

Au CRCL, nous disposons de plateformes techniques où ingénieurs et techniciens travaillent ensemble pour concevoir, développer et mettre en œuvre de nouvelles technologies. Ces innovations seront ensuite utilisées par les chercheurs en fonction des besoins spécifiques de leurs projets de recherche. En d'autres termes, nous offrons un service complet, conseillant en amont, réalisant les expérimentations nécessitant des compétences techniques particulières, et fournissant un accompagnement jusqu'à la livraison des résultats.

L'idée fondamentale est de centraliser le développement technologique au sein d'un groupe dédié, plutôt que de laisser chaque chercheur créer sa propre technologie de manière indépendante. Ce regroupement permet d’être plus efficace. En collaborant avec divers acteurs, notre groupe peut accroître ses compétences de manière significative, ce qui se traduit par une performance assurée. Ainsi, nous mettons cette expertise au service de l'ensemble de la communauté scientifique.

 

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la transcriptomique spaciale ?

 

Pour bien appréhender le contexte, il est essentiel de comprendre la nature de ce projet qui s’inscrit ici dans le domaine de la génomique et de la transcriptomique.

La génomique se concentre sur l'ADN, tandis que la transcriptomique concerne la modification de l'ARN. Ces deux composants jouent un rôle crucial dans le diagnostic de nos patients.

Imaginez une bibliothèque pour mieux visualiser : le bâtiment représente le noyau de la cellule, les livres symbolisent les chromosomes, leurs mots correspondent aux gènes, et leurs significations équivalent à l'ARN messager. L'ADN présent dans chaque cellule agit comme le dictionnaire de ces dernières : des erreurs d’orthographes peuvent entraîner des altérations pathologiques, comme c'est le cas actuellement avec le cancer. L'ARN représente le sens des mots utilisés dans ce dictionnaire : selon les termes employés par la cible et les ARN messagers exprimés, la cellule fonctionnera différemment.

Jusqu'à présent, le fonctionnement cellulaire a été largement étudié sur des prélèvements de patients, mais de manière globale. Ces échantillons comprenaient des cellules saines, des cellules cancéreuses, et des cellules ayant pour rôle de lutter contre les cellules cancéreuses.

Cependant, le problème réside dans la difficulté à attribuer correctement les rôles de chacune ou à comprendre leur fonctionnement optimal.

Pour remédier à cela, une technologie appelée "Single Cell RNA sequencing" (séquençage du transcriptome de cellules individuelles) a été développée. L'idée était d'exploiter le tissu tumoral en isolant chaque cellule pour étudier l'expression des ARN messagers. Cela permettait d'observer le fonctionnement des cellules dans la tumeur, autour de la tumeur, et surtout de comprendre leurs interactions. Cependant, en cancérologie, la dissociation du tissu entraîne la perte de la dimension spatiale : bien que le type de cellules puisse être identifié, la localisation précise demeure inaccessible.

Ces données revêtent une grande importance, car les cellules au sein de la tumeur ne fonctionnent pas de la même manière que celles en périphérie. Pour pallier à cela, des sociétés américaines ont mis au point des outils permettant d'explorer l'expression des gènes dans chaque cellule individuellement tout en maintenant leur localisation spatiale.

La transcriptomique spatiale vise à comprendre où se situent les cellules, ce qu'elles font, quels gènes sont exprimés en leur sein, et comment elles interagissent entre elles. Pour simplifier, j'ai utilisé la métaphore d'une carte routière : en regardant une carte, on obtient des informations sur le "où" ; en affichant des monuments, on découvre le "qui" avec la proximité entre eux ; et en détaillant le trafic, on comprend le "comment" interagissent les personnes utilisant ces axes.

L'idée fondamentale est qu'avec cette technologie puissante permettant de zoomer sur chaque cellule individuellement, nous pourrons obtenir des informations détaillées sur le fonctionnement, l'identité et l'interaction de chaque cellule étudiée.

Le développement de ces technologies suscite un intérêt mondial, et le Centre Léon Bérard aspire à rester à la pointe des avancées en cancérologie. C'est pourquoi nous avons décidé de solliciter la générosité de nos donateurs. Nous remercions la Ligue Nationale Contre le Cancer et les donateurs du Centre Léon Bérard d’avoir permis l’acquisition de cette machine.

Comment les prochains mois s'articulent-ils maintenant que cette technologie est financée pour le Centre Léon Bérard ?

 

Dans les premiers mois à venir, nous entamerons une phase de test. Nous disposons déjà de nombreuses données issues de divers projets, et cette technologie sera cruciale pour les valider. Cela nous permettra d'approfondir notre connaissance sur la manière dont interagissent certaines cellules.

Parallèlement, nous avons également des projets plus exploratoires. Par exemple, nous chercherons à comprendre comment certains ARN véhiculent des messages dans la cellule ou comment certaines cellules se comportent en fonction de leur localisation, des domaines encore peu explorés. Notre objectif est d'élargir nos connaissances dans ces domaines.

Pour la suite, nous avons l’ambition d’explorer les modifications, les "petites fautes d'orthographe" présentes dans les ARN. Certains patients présentent des ARN messagers modifiés, et ces mutations sont associées à des types de cancers spécifiques. Nous chercherons à déterminer si toutes les cellules sont affectées ou seulement certaines. Par exemple, après un traitement, certaines cellules cancéreuses peuvent survivre et jouer un rôle déterminant dans la suite du processus. Grâce à cette technologie, nous pourrons mener des recherches approfondies sur ces mécanismes.

Actuellement, lorsqu'un patient est diagnostiqué avec un cancer, nous constatons que des cellules ont subi des mutations. Cette technologie nous permettra d'observer leur répartition, en déterminant si elles affectent l'ensemble de la tumeur ou seulement une partie. Nous aborderons également la question de la réémergence de certaines cellules cancéreuses malgré les traitements, en étudiant l'état initial et post-traitement grâce à la transcriptomique spatiale.

Cet appareil sera précieux pour progresser dans le domaine des pronostics et approfondir nos connaissances sur le développement du cancer. Nous aspirons naturellement à ce qu'il joue à terme un rôle dans les soins aux patients. Nous débutons par la recherche fondamentale, testons son applicabilité en transrationnelle, pour ensuite évaluer les bénéfices potentiels pour les patients.