Recherche : mieux comprendre les cancers du sein hormono-dépendants

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Le cancer du sein est un axe de recherche fort pour de nombreux chercheurs au Centre Léon Bérard et c’est auprès de l’équipe de Muriel Le Romancer, qui travaille au sein du CRCL, que nous nous sommes rendus pour en savoir plus.

Recherche : mieux comprendre les cancers du sein hormono-dépendants Recherche : mieux comprendre les cancers du sein hormono-dépendants 2018-09-04T11:38:24+02:00 2018-12-20T11:41:24+01:00 /sites/default/files/2018-09/muriel-le-romancer-laboratoire-cancer-sein-hormonodependant.jpg

Depuis 15 ans, Muriel Le Romancer se consacre, avec son équipe, aux hormones stéroïdiennes dans le cancer du sein, œstrogène ou progestérone, qui participent au développement  des cancers du sein hormonodépendants et qui représentent 80% des cancers du sein environ.

« Nous avons plusieurs cibles thérapeutiques, plusieurs voies de recherche, plus particulièrement sur les récepteurs des oestrogènes. Ce sont eux qui vont permettre aux hormones de se fixer dans la cellule et donc entrainer un développement de la tumeur, si celle-ci est dépendante des hormones, nous explique Muriel Le Romancer.
Et pour les nombreux scientifiques, depuis de nombreuses années, le récepteur à œstrogènes se trouve seulement dans le noyau de la cellule.
Ce que nous avons pu démontrer et qui est au cœur de nos recherches montre qu’en réalité, une partie du récepteur à œstrogène se trouve en dehors du noyau, dans le cytoplasme de la cellule.»

Ce qui pourrait bousculer toute la classification actuelle des cancers du sein.

« Effectivement aujourd’hui, en termes de diagnostic, on va simplement regarder le noyau de la cellule tumorale : si celui-ci possède des récepteurs des oestrogènes, on propose une hormonothérapie et si le noyau n’en possède pas, et fait partie des 20% de cancers du sein hormono-indépendants, alors on ne proposera pas d’hormonothérapie. Mais si une partie du récepteur à oestrogènes se trouve dans le cytoplasme, ces cancers-là ne pourraient-ils pas être soignés eux-aussi par hormonothérapie ? »

L’intérêt de ces recherches permettrait alors d’améliorer le diagnostic en tenant compte de cette signalisation présente dans le cytoplasme, aujourd’hui non utilisée.

« Par exemple, rajoute Muriel Le Romancer, on pourrait très bien imaginer que dans le cadre de tumeurs ER négatives, c’est-à-dire ne possédant pas de récepteurs aux oestrogènes, où actuellement il n’y a pas de thérapies ciblées et où l’on voit malheureusement des échecs thérapeutiques, on pourrait proposer, pour la sous-catégorie de tumeurs qui exprime ce récepteur, une thérapie ciblée liée à de l’hormonothérapie puisque cette molécule répond aux oestrogènes. »

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Cela permettrait ainsi d’améliorer la prise en charge par un diagnostic plus précis et une meilleure catégorisation des tumeurs, en prenant en compte cette signalisation en dehors du noyau : un diagnostic plus fin pour des thérapies mieux adaptées.

« La médecine personnalisée, c’est vraiment pouvoir, à terme, avoir une médecine pour chaque patient. On va vraiment dans cette sous classification de plus en plus pointue, grâce à de nouveaux marqueurs, dans le but d’essayer de stratifier, de catégoriser au maximum chaque cancer pour pouvoir donner à la patiente, dès le départ, le traitement le plus précis et le plus adapté.

Aujourd’hui, nous avons décrypté les mécanismes, nous avons trouvé des cibles potentielles et maintenant on peut se dire qu’il faudra attendre plusieurs années pour proposer ces protéines au diagnostic. En outre, nous sommes donc en train d’essayer de mettre au point un anticorps humanisé, qui serait couplé avec des médicaments pour venir cibler ce récepteur. »

D’après leurs recherches, ce sont environ 40% des tumeurs ER négatives qui possèderaient en réalité ce récepteur ER alpha 36 et qui pourraient donc bénéficier d’une nouvelle cible thérapeutique.

« Aujourd’hui, l’analyse de la tumeur va de plus en plus loin. En étudiant des échantillons de tumeurs de patientes, on va non seulement regarder les protéines mais aussi les interactions entre les protéines, qui peuvent induire des résultats tout à fait différents. C’est une vraie révolution pour l’avenir des traitements ciblés car on peut maintenant savoir quels types d’intéractions agissent sur le développement de la tumeur. Dans nos traitements, on ne va plus inhiber une protéine mais inhiber une interaction avec une autre protéine, ce qui permet la encore d’être bien plus précis et efficace. »

Mieux catégoriser les tumeurs du sein, améliorer le diagnostic des patientes dès leur arrivée à l’hôpital, leur offrir un traitement bien plus adapté à leur cancer : un espoir tangible pour les cancers du sein hormono dépendants qui touchent chaque année plus de 39 000 femmes.